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Sixième Partie
Et Si les charognards aimaient le thé...

Rapport d’autopsie
Le corps était allongé dans une position un peu tordue, le bras replié sur le visage et les doigts arqués comme pour agripper quelque chose. La bouche était close et quelques gouttes de sang perlaient sur les lèvres serrées. La blessure était au niveau du cou, une large entaille sanguinolente, comme si elle avait été mordue ou bien lacérée avec des griffes, un vrai travail de charognard. La peau était déchiquetée sur trente centimètres, et la plaie était très profonde. Le sang était séché, les membres déjà roides, et nous en avons conclu que le décès datait de plusieurs heures et qu’il s’était sûrement produit pendant la nuit.
Nous avons nettoyé l’ouverture puis nous avons procédé à une analyse plus complète, nous avons trouvé des corps étrangers, comme des miettes ou bien des saletés, dans la chair à vif, ce qui laisse à penser que le cou a été entaillé par des ongles ou plus probablement des griffes.
La mort a été presque instantanée, et la blessure n’a pas eu le temps de s’infecter ce qui a facilité l’autopsie.


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Rapport de la maréchaussée
A ce jour, aucune piste n’a été démasquée pour retrouver le coupable. La position étant celle de la pure défense, il est logique de penser que la personne a été attaquée alors qu’elle veillait dans les couloirs. Mais Ildiwa a assuré que personne n’était en mesure de vouloir faire du mal à la victime. Soit c’est l’œuvre d’un animal, soit c’est un autre crime visant Sa Majesté Violine Dilwendyl qui n’a pas vu être concrétisé étant donné que la jeune personne s’est interposée.
Les pistes restent donc brouillées pour le moment.

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Violine prit la théière posée devant elle et se resservit une tasse de thé. Parfumé au tilleul, le thé, idéal pour décompresser, une recette de sa grand-mère Mary-Ambre. La jeune vampire but une gorgée et laissa le temps au liquide chaud de couler dans sa gorge. Ferma les yeux. Essaya de penser à autre chose. En vainc. L’image du corps mutilé revenait toujours devant ses yeux, se dessinait dans l’obscurité de ses pensées. Elle reposa violemment la tasse sur la table de chêne et le thé gicla sur sa robe, mais elle s’en moquait. Elle jeta un regard à celle qui lui faisait face, assise sur le tabouret jumeau, et qui paraissait absente, les yeux voilés, la mine songeuse.

« C’est fou quand même qu’on se soit attaquée à elle, murmura Violine en contemplant le thé qui dessinait des petits motifs sur les rebords de la tasse en porcelaine bleue. Elle n’avait rien fait à personne. »

Celle-ci ne répondit pas, mais Violine ne sut pas vraiment si elle attendait une réponse. Elle se leva, prit la coupelle vide qui avait contenu des petits sablés et alla solliciter la domestique qui partit avec la coupelle de porcelaine rechercher des gâteaux. Violine se rassit et laissa son regard errer dans la pièce richement meublée. Son petit salon personnel.

« Tu as une idée de ce qui a pu arriver, toi ? Remarque, tu ne dois pas en savoir plus que moi... Je me souviens juste de t’avoir vu à son chevet quand je suis arrivée, tu étais déjà levée, encore en chemise de nuit, tu avais un peu de sang séché à la commissure des lèvres*... Tu étais plutôt proche d'elle, n’est il pas ? Même si vous ne vous connaissiez pas depuis très longtemps... Je vous voyais souvent ensemble. Je... Je comprends ta douleur. Je souffre aussi, tu sais... »

Elle passa sa main dans ses cheveux, en délogea une boucle de neige qu’elle replaça soigneusement derrière son oreille. Les chuchotements du vent caressaient les murs, ce vent d’hiver froid et violent qui nous incite tant à rester enfermé. Violine ne comprenait pas, du moins elle avait l’impression que la situation lui échappait. Elle avait failli mourir, et puis cette fille l’avait sauvée… et puis voilà que… Elle essuya une goute de sang qui perlait à ses yeux, puis se moucha dans un mouchoir de soie, qui se tacha aussitôt d'un liquide rougeâtre.

« Toi qui étais là avant moi, as-tu vu quelque chose ? De plus par rapport aux médecins légistes… »

Elle savait que cette question était inutile. Le chagrin lui brouilla tout d’un coup la vue et elle se leva brusquement. Sans dire un mot de plus, elle quitta la pièce, des larmes plein les yeux, des larmes qui ne parvenaient pas à rouler sur ses joues, comme si le chagrin les retenaient prisonnières.

***

Violette se prit la tête dans les mains et regarda son amie s’enfuir. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas ce qui s’était passé. Prudemment, elle rajusta son ras de cou noir et ses boucles d’argent, puis essuya ses yeux mouillés de larmes et ses joues tachées de sang. Tout ce noir dans sa mémoire ne voulait pas tirer les rideaux sombres qui obscurcissaient ses pensées.
Elle ne savait plus.
Si elle avait su, alors elle ne voulait pas savoir.
Parce que l’éventualité qui se dressait devant elle lui faisait peur.


Extrait du journal officiel des contrées de Dilwendyl :
[...]
Le lendemain, au banquet éminent de la semaine, même voilé d’un certain chagrin, Ildiwa proclama « Maître Ambroise De » Grand Médecin Royal pour avoir sauvé sa fille adoptive de la maladie étrange qu’elle contractait depuis quelques jours qui faisait qu’elle ne parvenait plus à manger de la viande humaine et à boire du sang frais, grâce au médicament qu’il avait concocté pendant des jours, même si cela impliquait selon Violette et le Grand Médecin des troubles et pertes de mémoire.
[...]
Toujours pas de pistes quand au meutre d'Amilaya Strugenvor.
[...]


>>> Cinquième partie
>>> Epilogue

* Les vampires saignent lorsqu'ils souffrent au plus profond de leur coeur, de la bouche par exemple, ou du nez, ou des yeux...